Et si le Seigneur t’appelait ?
Ce dimanche, le Père Gérard Leprêtre, responsable du Service diocésain des vocations, nous propose cette belle méditation sur le Christ Bon Pasteur et les vocations dans l’Eglise.
Pour lire l’évangile de ce 4ème dimanche de Pâques :
https://www.aelf.org/2020-05-03/romain/messe#messe1_lecture4
Ce dimanche du Bon Pasteur est aussi le dimanche où l’Eglise célèbre la journée mondiale des vocations.
Parler des vocations me fait penser à cette interrogation que relate Sainte Thérèse au début de son « Histoire d’une âme ».
Elle se demande pourquoi « toutes les âmes ne reçoivent pas un égal degré de grâces… » Jusqu’au jour où le Bon Dieu le lui révèle à travers l’image du jardin.
Car, qu’est ce qui rend un jardin agréable aux yeux, sinon la diversité de ses fleurs ?
Alors j’ai compris, écrit-elle « que toutes les fleurs qu’Il a créées sont belles, que l’éclat de la rose et la blancheur du lys n’enlèvent pas le parfum de la petite violette ou la simplicité ravissante de la pâquerette… J’ai compris que si toutes les petites fleurs voulaient être des roses, la nature perdrait sa parure printanière… »
Il en est de même, pourrait-on dire, du Jardin de l’Eglise. C’est la diversité des vocations qui rend belle l’Eglise… comme c’est la diversité des instruments d’un orchestre qui donne toute sa beauté à la symphonie.
Commençons par rendre grâce au Seigneur pour la diversité des vocations avant d’en déplorer le manque.
« Père, Seigneur du Ciel et de la terre, je proclame Ta louange… » (Mt 11,25)
Qu’à l’image de Jésus, notre prière se fasse bénédiction.
Je ne remercierai jamais assez mes parents de m’avoir offert tant d’amour, me laissant entrevoir l’amour infini de Dieu.
Jésus le Bon Berger
Dans l’évangile, Jésus se présente comme le Bon Berger, le vrai guide… Il connait et appelle chaque brebis par son nom. Il appelle chacun de nous par notre nom. Nous ne sommes pas des numéros, mais des personnes uniques.
« Tu as du prix à mes yeux et je t’aime » (Is 43,4)
Le Bon Berger est aussi un bon jardinier. Dans le vaste jardin qu’est le monde, chacun de nous est une fleur unique, au parfum unique, voulue par Dieu pour que nous répandions la bonne odeur du Christ.
C’est cela le mystère de notre vocation : devenir MOI, devenir ce pour quoi je suis fait.
Toi qui as fondé une famille, mets tout ton cœur à faire rayonner ton amour auprès des tiens, de tes enfants. Toi qui as tout quitté pour suivre le Christ, demeure fidèle à ta vocation sans rechercher les honneurs, ni la satisfaction personnelle.. Vis à fond la bonté que Jésus a déposée en ton cœur. Elle est le parfum que Dieu t’appelle à répandre.
« Prends soin de toi… »
Avez-vous remarqué depuis le début de l’épidémie du covid-19 cette douce expression qui clôt tous les échanges, nos courriels, nos SMS … ? « Prenez soin de vous ».
Une invitation entièrement tournée vers l’autre. Il n’est pas dit « je » comme dans « je vous embrasse », formule hors de saison ! Mais « vous » : « prenez soin de vous » car nous sommes en relation et nous dépendons les uns des autres ; nous avons à prendre soin les uns des autres. Parce que le premier qui prend soin de nous, c’est le Seigneur !
« Déchargez-vous sur Lui de tous vos soucis, puisqu’Il prend soin de vous… » (1P 5,7)
« Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien » (Ps 22) reprend le psalmiste dans ce psaume si connu proposé par la liturgie de ce jour. Autrement dit, le Seigneur est bon. Jamais Il ne nous fera manquer de l’essentiel !
« …Rien de nécessaire ne nous manque car si ce nécessaire nous manquait, Dieu nous l’aurait déjà donné » (Madeleine Delbrêl).
Le Seigneur prend soin de nous et nous avons à nous mettre à son école. Nous ne grandissons pas indépendamment des autres ; nous avons besoin des autres pour nous accomplir.
C’est ensemble – les uns avec les autres – que nous formons le Corps du Christ. Plus nous grandirons dans l’estime des uns et des autres, dans l’estime mutuelle de nos vocations respectives, plus l’Eglise sera signe du Royaume !
Des communautés vivantes, soucieuses d’annoncer l’Evangile, contribueront à l’épanouissement des vocations dont l’Eglise a besoin pour sa mission.
Nous ne sommes jamais seuls :
Dans l’Eglise, nous ne sommes jamais seuls. Je crois que je ne serai pas le prêtre que je suis si je n’avais bénéficié de toute la générosité, de la bienveillance, de la prière d’amis, de celles et ceux que j’ai rencontrés, sans oublier les consacré(e)s, véritables sentinelles de l’aurore.
Saint Paul parle de sa communauté de Corinthe comme d’une lettre du Christ :
« Vous êtes une lettre du Christ écrite, par notre ministère, non avec de l’encre, mais avec l’esprit du Dieu Vivant, non sur des tables de pierre mais sur des tables de chair, sur les cœurs » ( 2Cor3, 2ss)
Que de « lettres » reçues et qui demeurent vivantes dans mon cœur de prêtre ! Merci Seigneur !
« Je suis la porte… » Vers la vie nouvelle.
Si Jésus se présente comme la porte, c’est pour dire qu’Il est passage.
Une porte a une double fonction : fermée, elle protège des voleurs… Mais elle ne peut pas toujours être fermée, sinon la maison devient une prison. Ouverte, elle permet d’aller vers les autres et vers l’extérieur.
Quand Jésus dit : « Je suis la porte », il s’identifie aux deux fonctions de la porte : Il nous protège des faux guides, des idoles qui toujours nous guettent : le confort, l’argent, le chacun pour soi… mais Jésus est surtout Celui qui nous ouvre à la Vraie Vie.
Il nous aide à passer, à aller vers les autres, ceux qui sont en recherche d’un sens à leur vie.
Passer, Passage, Pâque, tel est le paradoxe de la foi. Elle n’est pas de l’ordre du dedans ou du dehors.
« Croire » est un verbe de passage, un verbe qui fait passer de la mort à une vie nouvelle.
La vocation : une histoire de vie nouvelle toujours en devenir.
Une vocation est un appel de Dieu qui se déploie dans le temps et qu’on ne comprendra vraiment qu’à la fin, quand nous relirons notre vie avec Dieu. La vocation ne ressemble pas à quelque chose de statique, défini une fois pour toutes.
En quelque sorte, c’est chaque jour que je donne forme à cet appel que j’ai perçu au cœur mon histoire.
Et nous savons que nous pouvons vite nous affadir, nous habituer ou nous laisser envahir par la lassitude.
Quand Jésus appelle ses premiers apôtres, tout n’est pas écrit d’avance pour eux :
« Je vous ferai devenir pêcheurs d’hommes ».
Dieu ne choisit pas les meilleurs, les parfaits, les capables … mais Il rend capables ceux qu’Il appelle.
L’histoire d’une vocation est toujours une aventure où Dieu se lie à nous et nous accompagne. A moi d’entretenir, de cultiver cet appel si lointain et si proche à la fois.
L’histoire de la vocation, c’est de devenir l’œuvre de Dieu.
Plutôt que de vouloir mener notre barque avec nos propres forces, laissons-nous saisir par Son Souffle.
« Que je fasse de ma vie une chose simple et droite, pareille à une flûte de roseau que Tu puisses emplir de Ta musique » (Tagore).
Au cœur des vicissitudes de la vie, de nos avancées et de nos reculs, de notre espérance et de nos tiédeurs, Dieu nous apprend à recevoir la Vie toujours nouvelle du Ressuscité. Nous ne savons pas ce que sera demain.
Mais nous savons que nous pouvons toujours compter sur Lui. Le Christ est avec nous, avec Son Eglise, tous les jours.
Même si nous déplorons que nos dimanches continuent d’être sans messe.
Le Christ nous demeure présent par le don de Sa Vie, au-delà de nos « gestes-barrières » comme de nos infidélités.
Aujourd’hui encore, la joie de l’Evangile continue à faire son chemin dans le cœur des hommes.
Dieu n’a pas fini d’appeler.
Des jeunes cherchant comment répondre, s’interrogent peut-être s’ils auront la force d’aller jusqu’au bout.
Regardons Celui qui nous appelle. En Lui notre force et notre joie !
« Celui qui nous rend solides, Celui qui nous a consacrés, c’est Dieu » (2 Co 1,21)
Conscient que l’idéal que j’avais à l’aube de mon sacerdoce ne sera jamais atteint, je m’en remets humblement à cette prière que Jésus nous a donnée – dans le Notre Père- :
« Donne-nous Seigneur aujourd’hui le pain de ce jour »
Pain de l’eucharistie, de la prière des heures, de la Parole méditée, pain du goût du ciel dans l’ordinaire des jours.
Chaque jour est un jour nouveau pour aimer, pour servir.
« Si tu savais le don de Dieu » : cette autre parole choisie pour mon ordination continue elle aussi de m’accompagner.
Avançons avec confiance. La confiance est essentielle pour l’éclosion comme pour la fécondité de toute vocation. Nous sommes là pour risquer notre vie et dire OUI comme Marie.
Et si Le Seigneur t’appelait ?
3 Mai 2020, en la fête du Bon Pasteur.
L’abbé Gérard Leprêtre