Mot du curé en période de confinement 8
Vers le 11 mai et le 2 juin
Boulogne, le samedi 2 mai 2020
Chers paroissiens,
Beaucoup me parlent des dates du « 11 mai » et du « 2 juin », comme nous célébrions naguère le « 14 juillet » ou le « 11 novembre ». Mais, cette fois-ci, il s’agira de ne pas crier victoire trop vite. La lutte contre le virus et ses multiples conséquences se prolongera dans le temps.
Jour après jour, les autorités publiques précisent le calendrier du déconfinement et ses conditions nécessaires.
Le Premier ministre a annoncé une possible reprise de l’exercice public des cultes à partir du 2 juin. Devant cette échéance repoussée, beaucoup de catholiques ont exprimé leur déception, nos évêques en tête.
Vous pourrez lire ici leur communiqué.
Quand bien même la désapprobation à l’annonce du « 2 juin » gronde dans notre entourage, je regrette que la polémique soit allumée, notamment sur certains réseaux sociaux et à grand coup de mails envoyés « toute boîte ». Je regrette le réveil des agitations et surtout des agitateurs qui brandissent l’étendard de la défense de la foi catholique pour l’entraîner malgré elle dans un combat politique. Si nous, catholiques français, attendons des autorités davantage de dialogue et de coopération, restons-en les initiateurs, usant d’une « parole bonne et constructive » selon les mots de l’apôtre Paul (Ephésiens 4, 29).
L’absence de célébrations dans nos églises, ce jeûne eucharistique imposé par les circonstances, exacerbera-t-il nos égoïsmes instinctifs ou alors nous ouvrira-t-il à une charité plus grande ?
L’Eglise est désormais « comme tout le monde » : pauvre, balbutiante, désemparée face à la crise présente et face aux crises qui s’annoncent. Nous ne pouvons prétendre être le centre du monde, mais nous devons rechercher obscurément à en rester l’âme, selon la belle expression de la Lettre à Diognète, datée du 2ème siècle :
http://www.vatican.va/spirit/documents/spirit_20010522_diogneto_fr.html
Les événements nous plongent brutalement, ou mieux ils nous ouvrent les yeux (tel St Paul à Damas) sur la réalité présente, socialement proche du siècle de Diognète : une Eglise petite, présente et vivant dans une société aux multiples croyances et modes de vie, dans laquelle nos œuvres ont plus de prégnance que notre voix.
Dans un étrange et religieux paradoxe, les arbitrages difficiles du gouvernement nous convoquent à considérer la santé publique comme étant de l’ordre du « salut ».
Même privés de la célébration publique des sacrements, n’oublions pas que la grâce de Dieu ne saurait s’y laisser enfermer. A une époque non moins troublée, l’apôtre Paul écrivait aux quelques centaines de chrétiens disséminés dans le million d’habitants de la capitale de l’empire, Rome : Je vous exhorte donc, frères, par la tendresse de Dieu, à lui présenter votre corps – votre personne tout entière –, en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu : c’est là, pour vous, la juste manière de lui rendre un culte. (Romains 12, 1).
Dans l’original latin, « sacrifice » s’écrit « hostia ». Vous l’avez compris, St Paul nous invite à nous unir davantage au Christ dans le quotidien de nos vies.
L’eucharistie que nous avons quittée en mars et que nous retrouverons bientôt, bénéficie d’un temps long pour se déployer dans l’ordinaire de nos vies. A nous d’être au rendez-vous, non en serrant les poings mais bien plutôt en ouvrant les mains.
Nous célébrons demain le dimanche du Bon Pasteur. Nous continuons à prier pour que nos communautés et nos familles soient des pépinières où l’appel du Seigneur ne sera pas étouffé.
Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien : ainsi commence le psaume 22 ce dimanche.
Vivons-le en prenant au sérieux la parole du psalmiste. Avant de geindre sur nos manques, rendons grâce pour et dans nos existences, afin qu’elles deviennent vraiment eucharistiques.
Gardez courage, continuez à prier en famille ce dimanche. Prenez 30 minutes au calme, éteignez les portables et les écrans, sauf cette newsletter. Merci à tous ses contributeurs, particulièrement le P. Gérard Leprêtre.
En espérant que vous allez tous bien, je vous redis ma communion dans l’espérance et la prière.
Que le Seigneur nous bénisse, encore et toujours.
Bien fraternellement,
L’abbé Emmanuel Fontaine, votre curé
Détail de la mosaïque absidiale de la basilique des saints Côme et Damien, à Rome